« Même quand l’Esprit de Dieu est rejeté, l’humanité de Jésus dans ses disciples ouvre un chemin de salut. »

Nous avons entendu ce matin la première des paraboles chez saint Marc. Elle donne la clef de la raison d’être des suivantes et de l’enseignement de Jésus. Ce récit contient une énigme : « qui blasphème contre l’Esprit Saint est coupable pour l’éternité et n’aura pas de pardon ». Voilà qui peut faire trembler les plus vaillants … Qu’est-ce que ce péché ? L’évangéliste répond au verset suivant : « Ils avaient dit que Jésus était animé par un esprit impur. » Or, Jésus est animé par l’Esprit Saint en tout ce qu’il fait (cf. Jn.5). C’est pourquoi dire qu’il est possédé par Satan revient à dire que l’Esprit Saint est l’esprit du mal. Autrement dit, confondre le Sauveur avec son tortionnaire, le médicament avec la maladie. Le salut devient impossible puisqu’on le refuse en pensant que c’est un mal. Scrutons notre cœur ! Nous aussi pouvons avoir peur de Dieu et le prendre comme une menace pour nous. « J’ai pris peur et (…) je me suis caché » (Gn.3, 10).

Comment le comprendre alors que Jésus vient de dire « Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et leurs blasphèmes. » ? Cet étrange péché impardonnable mettrait-il en cause la volonté de Dieu de sauver tous les hommes ? Dieu nous veut-il vraiment du bien ?

En face des pharisiens atteints de ce mal sans guérison, que fait Jésus ? Ils les appellent auprès de lui, dit le texte, et il leur parle en parabole. La haine contre Dieu et son Esprit va se reporter sur l’humanité de Jésus avec qui ils entrent en dialogue. Il est à noter que la formule « ils les appellent auprès de lui » est exactement identique à celle utilisée pour appeler les apôtres quelques versets plus haut (Mc 3, 13). Bien qu’apôtres, ils doivent se considérer dans le même panier que les pharisiens, ce que saint Paul dira en clair dans sa lettre aux Romains (Rm 5, 12) : « la mort (spirituelle et éternelle) a atteint tous les hommes ». Nous comprenons dès lors le sens profond de l’Incarnation. Dieu, après avoir de mille manières, à commencer par la splendeur de sa création, appelé les hommes à l’Alliance d’Amour éternelle avec Lui, n’a reçu qu’un refus ferme et définitif au fil des siècles traversés par les guerres et la violence en tout genre. Il fallait donc un homme en tout semblable à nous pour nous rejoindre et nous parler en parabole. Mais cela ne suffisait pas encore. Jésus dut, après nous avoir laissé un enseignement plein d’humanité et de douceur, appeler la haine que l’homme porte à Dieu, se reporter sur lui et la vaincre sur la croix (Mc 3, 6). C’est tout le sens de la référence de cette parabole à la Passion : Jésus est ligoté (Mc 15, 2), comme l’Homme fort de la parabole (3, 27). Ce qui apparaitra sur la croix comme la victoire de Satan, l’homme fort par la violence, deviendra la victoire du véritable Homme fort par sa résurrection.

Ce mystérieux homme Jésus, en qui repose l’Esprit Saint, dialogue toujours avec nous et avec le monde, par son Evangile et par ses disciples. Il maintient un chemin facile vers Lui, même à ceux qui sont étrangers à Dieu. Puisqu’il suffit de rencontrer un chrétien, homme pécheur comme lui aussi, pour toucher le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption. Et participer un jour à la Résurrection des morts.

Père Arnaud Gautier, vicaire