Jésus fait de la politique

Dans certains milieux catholiques, on entend dire que le pape François outrepasserait son rôle en faisant de la politique. Cette remarque est faite au désavantage du pape actuel, parfois par des personnes qui, pourtant, formulaient la même observation en faveur de Jean-Paul II, crédité d’un rôle important dans la chute du bloc soviétique. La conclusion ne s’impose-t-elle pas d’elle-même ? Ce que certains reprochent au pape François ne serait-ce pas, en réalité, d’aborder des sujets qui gênent : notre confort indifférent, notre repli sur un train de vie que la majorité de la planète ne connaît pas, notre relative insensibilité au désespoir de populations entières qui vivent sans avenir ?

Mt 22,21 est la base de la séparation des pouvoirs et donc de la laïcité. Ce verset est le cran d’arrêt qui disqualifie la théocratie. Cette séparation des pouvoirs est-elle étanche ? Je veux dire : y a-t-il moyen d’isoler un champ du politique et un champ du spirituel, avec comme perspective une absence totale de contact entre les deux ? La réponse à cette question peut-elle être autrement que négative ? Quand Jésus déclare qu’il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, il tient déjà un propos politique, car la distinction de ces plans est une donnée autant politique que théologique. Il faut dire plus : si l’enseignement de Jésus interdit la divinisation du politique (César ne sera jamais Dieu), il donne aussi sa légitimité au domaine du politique, puisqu’il y a bien quelque chose à rendre à César. Existe ainsi une gestion de la communauté humaine qui ne relève pas du religieux, ni directement du spirituel.

Dira-t-on que Jésus outrepasserait son rôle en faisant de la politique ? Certains de ses contemporains l’ont sans doute pensé, lorsqu’ils l’accusaient de se proclamer roi et de s’opposer à César (Jn 19,12). Et nous ? Avons- nous conscience que Dieu s’est incarné, que l’Évangile nous tourne vers l’homme pour qu’il devienne un prochain, et donc vers le monde et ses défis, ou bien cherchons-nous dans la pratique et dans la spiritualité une évasion hors des urgences de ce temps, un confort supplémentaire, une indifférence de plus ?